Il ne faut pas bien plus longtemps qu’un café avec Meriem pour être impressionnée par sa combativité et sa sagesse. Son sourire accroché aux lèvres, trompeur sur l’étendue des responsabilités qu’elle a sur les épaules, pourrait en effet vous fourvoyer.
Mais la jeune fille douce et souriante qui se présente devant moi cette après-midi là, semble avoir déjà mille et une vies derrière elle. Au fur et à mesure de notre discussion, je comprendsque l’insouciance de ses vingt et une années a fait place à une sagesse tranquille de celle qu’on acquiert lorsque l’on a eu, très tôt, à affronter la vie.
Meriem est l’aînée de quatre soeurs. Lorsqu’elle avait 15 ans, le père de Meriem a quitté sa maman et a laissé leur petite famille sans toit ni argent pour subsister. Meriem, sa mère et ses trois sœurs respectivement de six, dix et treize ans à l’époque, se sont retrouvées du jour au lendemain à la rue « sans autre fortune qu’un billet de 100 dhs » se souvient Meriem avec émotion. Sa maman n’avait pas la formation nécessaire pour trouver un emploi et les quatre soeurs ont dû, par la force des choses, se séparer. Meriem est allée vivre chez sa meilleure amie qui habitait près de l’école où elles étudiaient toutes les deux. La jeune fille se souvient de cette période comme si c’était hier. « Je ne remercierai jamais assez mon amie et sa famille de m’avoir aidée à ce moment-là. Ils m’ont offert une maison et leur soutien. C’était inestimable ».
Meriem s’est difficilement remise de tous ces chamboulements cette année-là. D’abord, le choc de la nouvelle, puis la séparation d’avec sa famille, cela faisait beaucoup. Elle qui a toujours très bien travaillé à l’école, a failli ne pas réussir son année. Sans le soutien de sa professeure de sciences physiques, la jeune fille aurait peut-être baissé les bras. « Je ne la remercierai jamais assez elle aussi raconte-elle. C’est grâce à elle que je n’ai pas lâché ».
Pendant ce temps, la maman de Meriem, pour gagner de quoi subsister a commencé à faire des ménages. Meriem, l’aînée des quatre filles, et la plus responsable, s’est mise en devoir de l’aider. Les 40 dhs qu’elle gagnait par ménage étaient ajoutés aux faibles revenus de la famille. Et avec les maigres sommes ainsi obtenues, Meriem et sa famille ont pu se réunir de nouveau. Elles ont trouvé une chambre sur un toit qu’elles ont loué pour une petite somme.
Meriem se souvient bien de cette chambre qui n’avait, lorsqu’elles ont emménagé, ni cuisine ni salle de bain. « Nous avons créé des toilettes de fortune raconte-elle, et avions un réchaud pour faire la cuisine. Ce n’est pas vraiment ce qui nous importait le plus à ce moment-là. L’essentiel était de pouvoir nous retrouver ».
C’est à la même période que la mère de Meriem a entendu parler de SOS Villages d’Enfants. Elle avait eu vent du programme d’aide aux mères seules qu’avait mis en place l’Association, et elle s’est présentée au bureau du centre de Sidi Bernoussi à Casablanca. Le premier visage de l’Association a été pour elles celui de Khadija, la chargée de programme.
« Khadija a tout de suite été adorable avec toute la famille » se souvient Meriem. « Cela nous a vraiment fait du bien de trouver en elle une oreille attentive dans ces moments-là ». Dans un premier temps, l’Association a subvenu aux besoins de première nécessité de la famille : panier repas, santé et scolarité. « Les paniers repas que nous recevions une fois par mois, nous ont été d’un grand secours. Ils contenaient tout ce dont nous avions besoin et c’était un poste de dépense conséquent en moins, raconte Meriem. Il y avait dans le panier des pâtes, du lait, du sucre, de l’huile, du fromage et beaucoup d’autres choses.
Je me souviens particulièrement du fromage que je mangeais avec délice de panier repas en panier repas, puisque je ne pouvais me l’offrir par ailleurs », confie-t-elle dans un sourire.
Mais ce qui a été particulièrement bénéfique à Meriem durant cette période a été le soutien de l’Association au niveau de ses études et de son orientation. Et grâce à l’aide que lui a apporté SOS Villages d’Enfants en la mettant en contact avec la Fondation Marocaine de l’Etudiant, Meriem a pu obtenir une bourse pour poursuivre ses études. « SOS Villages d’Enfants a joué un grand rôle dans mon orientation me dit-elle. J’ai toujours été conviée par l’Association à participer à tous les évènements organisés pour les jeunes, comme les ateliers d’orientation ou ceux sur les techniques de recherche d’emploi. J’attendais cela avec impatience. J’avais vraiment une soif d’apprendre. Je me souviens d’ailleurs de ce premier atelier d’orientation organisé par un partenaire de l’Association. C’était la première fois que je voyais des gens prendre la parole en public, je trouvais qu’ils parlaient bien, qu’ils étaient bien habillés. J’étais impressionnée… et je voulais leur ressembler. En fait, je réalise que l’Association a tissé une sorte de filet protecteur autour de nous, qui m’a permis d’avoir des modèles et une voie à suivre. Sans cela, je ne sais pas comment j’aurais tourné. Tu sais, quand la vie devient difficile, peu importe que tu sois honnête ou travailleur et que tu aies plein de qualités, tu peux vite te retrouver du mauvais côté » concluet- elle, convaincue de la chance qu’elle a eue de voir son chemin croiser celui de l’Association.
Et lorsque je demande à Meriem quelles sont, parmi les choses que lui a apportées l’Association, celles qui ont été les plus importantes pour elle, sa réponse fuse: « En plus des paniers repas et de mon orientation professionnelle, ce sont les moments que j’ai passés en colonies de vacances grâce à SOS Villages d’Enfants qui m’ont apporté le plus de bonheur. Je n’avais jamais voyagé auparavant et durant ces moments, je pouvais enfin avoir du temps pour moi. C’était merveilleux. » Grâce à la bourse obtenue, Meriem a poursuivi ses études en Commerce International, dans une école à Casablanca. Une fois sa licence en poche, la jeune fille a commencé à chercher du travail. « Là encore, l’Association m’a vraiment été d’un grand secours, raconte-elle. C’est Fatima-Zahra la responsable de l’insertion des jeunes qui a proposé de m’aider dans mes recherches. Un jour, elle m’a annoncé qu’elle avait peut-être une piste dans une grande enseigne située à l’aéroport Mohammed V de Casablanca. J’ai envoyé mon CV et prié de tout mon coeur pour être acceptée. Je rêvais tellement de mettre les pieds à l’aéroport, et que dire d’y travailler ! Lorsque Fatima-Zahra m’a appelée pour me dire que j’étais prise, j’en ai littéralement sauté de joie ! ».
Ce nouvel emploi a permis à Meriem d’assurer beaucoup de choses pour elle-même et sa petite famille. Elle a pu acheter un petit appartement pour que la famille ne risque plus jamais de se retrouver dehors un jour, et elle assure aussi les charges de la maisonnée.
« C’est un peu lourd à porter, confie Meriem, surtout que mon salaire n’est pas conséquent. Mais je sais que c’est déjà un bon début. Et même si les conditions de travail ne sont pas des plus faciles et que je me réveille tous les jours à 3h30 du matin pour ne pas rater l’heure d’ouverture du magasin à l’aéroport, je suis reconnaissante à la vie d’en être arrivée là ».
Aujourd’hui, Meriem, fière du chemin qu’elle a parcouru à la seule force de sa volonté et de son courage, ne se retourne que pour remercier en pensées toutes les personnes qui l’ont soutenue durant cette traversée. Meriem va bientôt obtenir un diplôme de Master en Marketing dans une école où elle suit une formation en parallèle, et compte bien ne pas s’arrêter en si bon chemin.
Elle sait qu’elle a les capacités de réaliser encore beaucoup de choses et ne perd pas espoir d’y arriver. Son rêve, devenir directrice d’une grande entreprise. « J’aimerais tellement un jour être à la place de mes clientes à l’aéroport, valise et carte d’embarquement à la main et prête à m’envoler vers de nouveaux horizons ! »
Nous te souhaitons d’ouvrir grand les ailes Meriem… À bientôt !
NB : Ce portait de Meryem a été publié dans la Revue de l’Association SOS Village d’Enfant de Décembre 2016. Meryem a bénéficié d’une Bourse de Mérite de la Fondation Marocaine de l’Etudiant.